L’Ecosse bientôt membre à part entière de l’UE ?
Et la Bretagne ?
Edito de Thierry Jigourel
L’Europe pour laquelle nos pères se sont battus, celle à laquelle nous avons cru, celle que l’Emsav et l’ensemble des Bretons ont soutenue, existe-t-elle encore ? Il est permis d’en douter, tant, dans la tête de nombre d’Européens, ce projet formidable de coopération de peuples unis par une civilisation et des valeurs communes est en train de s’effriter, pour ne pas dire s’effondrer. La faute à qui ? A ces technocrates sans doute, formés dans les mêmes écoles, qui édictent mois après mois des obligations et des interdits qui donnent aux citoyens européens l’impression d’étouffer un peu plus. La faute aussi à la Commission Européenne, cette instance composée des membres des gouvernements des Etats, lesquels, Français en tête, refusent d’engager cette machine qui pourrait être belle vers une construction de type fédéral, et a fortiori vers l’Europe des «régions». Une création que, depuis des années, nombre de Bretons, de Basques, de Catalans et d’autres appellent de leurs vœux. Pas étonnant dans ces conditions qu’un certain nombre de citoyens, pourtant conscients de leur identité européenne, et pas forcément « europhobes », comme on l’entend trop souvent, se détournent de ce qui, à leurs yeux, est devenu une machine abstraite, lointaine, coercitive et directive, réduisant le continent à un marché et l’assujettissant à des impératifs économiques. Mais où est donc passée cette Europe des peuples ? L’Europe des fonctionnaires, des banquiers, celle des marchands l’aurait-elle donc enterrée ? Comment même, en tant que Bretons, croire à cette technostructure qui impose sans cesse règlements, interdits et normes quasi impossibles à respecter, à nos marins, à nos paysans, à nos artisans, et qui est incapable d’imposer à des Etats rétifs et rigides comme la France, la Charte Européenne des langues régionales ou celle des autonomies locales ?
Difficile, dans ces conditions, de jeter la pierre à nos voisins Grands Bretons pour leur désir de sortie d’un ensemble qui ne les représente pas ou si peu. Difficile aussi de ne pas se réjouir de la nouvelle donne politique au Royaume-Uni. Ni de cette volonté affirmée de Nicola Sturgeon, première ministre du gouvernement écossais autonome, de réclamer pour ses compatriotes la tenue d’un nouveau référendum d’autodétermination dont l’issue, cette fois, pourrait bien être positive, si l’on tient compte de la volonté de plus de 60 % des habitants du pays de William Wallace de demeurer dans l’UE. Difficile encore de ne pas se réjouir de la volonté d’une part importante des Irlandais du nord de rester dans cette même construction en réactivant un grand rêve, mis depuis quelques années dans un sommeil artificiel : la réunification avec la République. Mais, si l’UE qui, en septembre 2014, menaçait les Ecossais – et les Catalans ! – des foudres du ciel en cas de « séparation » avec leurs Etats tutellaires, est prête aujourd’hui, dans une volte-face à 180°, à leur ouvrir les bras, au nom de quels principes, demain, après-demain, refuserait-elle aux Bretons ou aux Corses d’y être représentés directement, sans l’intercession d’un grand frère autoproclamé mais totalement illégitime ?