Hervé Bouché nous a quittés

par Thierry Jigourel

 
[Photo] Hervé BouchéIl est toujours difficile de dire Adieu à un ami, à un camarade de combats et de luttes, à l’un de ces hommes qui sont comme des frères. Plus, mieux que des frères. Des compagnons. Eux avec qui on partage les coups, les coups bas, les baisses de moral et les espoirs. Les emprisonnements, parfois, lorsque l’ennemi a décidé de sévir et de faire des exemples. Certains, voici quelques décennies, partagèrent même les pelotons d’exécution et les poteaux d’un Etat qui se prétend le parangon des libertés et qui n’est qu’une grimace de démocratie et, selon les propos de Jean-François Revel, une « Union soviétique qui a réussi ».

Hervé était l’un de ces camarades dévoués à son pays, à son « vrai pays ». « Hon gwir Vro », comme le dit notre hymne national, qui n’appelle pas à faire couler on ne sait quel sang impur dans d’improbables sillons. Il ne s’était pas trompé. Il avait choisi son pays, sa patrie, tout petit, dans l’exil parisien où l’avait entraîné, avec sa famille, la situation de paupérisation imposée par l’Etat français à la Bretagne. Né à Pontivy, un peu avant la guerre, en mai 1935, il avait, comme des milliers de petits Bretons de l’entre-deux guerre, dû à cette confrontation avec l’Autre, peut-être, comme beaucoup, grâce aussi aux moqueries des petits Français malaxés par une Education Nationale si sûre de la supériorité du modèle jacobin sur tous les autres, cette prise de conscience de son identité dans le béton de la grande ville étrangère. Une identité renforcée sans doute par de fréquents séjours chez les grands parents de Pontivy ou de Josselin. Après la guerre, engagé dans la marine marchande, Hervé parcourt le monde, en Corto Maltese breton, la terre de son pays accrochée aux semelles de ses souliers. Et comme tous les Bretons, un pied ici sur la terre de ses ancêtres, un pied sur son bateau. Et puis un sur chaque continent. Du Brésil à l’Afrique du nord, il sillonna le monde. Suffisamment pour s’apercevoir que la différence est une richesse et non un appauvrissement ou un enfermement, comme le proclament la presse aux ordres et les caciques d’un régime que seul la Corée du nord doit nous envier. Rentré au pays, dans le Bro Gwened des ancêtres, du MOB au Parti Breton, en passant par Strollad ar Vro et le Pobl, Hervé fit le sans faute rigoureux d’un militant honnête et conscient. Son ancrage catholique et breton, comme l’écrivait si joliment le Morlaisien Tristan Corbière lui permit d’éviter toutes les dérives idéologiques du siècle. Sa seule antienne fut la Bretagne. Discret, « taiseux » comme on disait de Tabarly, Hervé fut l’homme de toutes les fidélités, un militant sur qui on pouvait savoir compter. Un fidèle et un pur. Je l’ai connu au Pobl, lorsque, jeune militant, dans les années 90, je m’imprégnais du combat et de la droiture des anciens. Je me souviens d’Hervé au Festival Interceltique de Lorient, toujours fidèle à son poste. Je me souviens de sa bouffarde qui dessinait autour de son visage chaleureux et rassurant, bien qu’un peu énigmatique, de jolies volutes de fumée bleue. Je me souviens d’un bon camarade, trésorier national du Pobl, puis d’Embannadurioù Broadel Breizh / Les Editions Nationales Bretonnes. Un homme qui, avec le temps qui patine les choses et forge les âmes, avait dû faire sienne la devise de Guillaume d’Orange : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Gageons qu’Hervé a pu trouver le chemin du Tir na n’Org, la Terre des Jeunes, celui des îles d’Avalon, et que de là, il prépare, aux côtés du roi Arthur, le retour des Celtes et la libération de la Bretagne. Il vit toujours dans nos cœurs. Il est à nos côtés. Le jour de ses obsèques, en l’église Sant Weltaz, d’An Alre, notre ami Michel Chauvin, lisant un texte écrit par sa fille Gaëlle, lui faisait un adieu vibrant et émouvant qui résume ce que tous ses compagnons d’armes pensent de lui :

« Aujourd'hui, je me souviens d'Hervé comme d'un homme solide et discret. Comme d'un frère dans nos luttes pour la reconnaissance et le respect de la culture bretonne. Il militait également de tout cœur dans la communauté alréenne pour combler les injustices sociales. Son engagement dans ces combats était sans faille.

Je me souviens de lui, habité d'un feu intérieur sous cette carapace silencieuse. Amoureux des mots, il possédait un humour et une plume acérés mais ne s'épanchait jamais. Vivant de l'essentiel, il ne laissait aucune place au superflu. Tout, chez lui, tant dans son attitude que dans sa vie quotidienne et ses passions évoquait la simplicité.

Je me souviens d'Hervé pour la fidélité de ses sentiments, sa loyauté, sa présence toujours discrète mais inoubliable, pour la force de ses convictions. »

Thierry Jigourel



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